L’Observatoire de la Marque Andorre se concentre cette fois sur un sujet d’actualité et en même temps d’une importance vitale pour le développement économique et social du pays : l’investissement étranger.
La libéralisation de l’investissement étranger et la diversification économique étaient les grands défis en 2012, et il n’a pas été facile pour Andorre de se faire connaître internationalement avec cette nouvelle stratégie, alors que jusqu’à ce moment nous étions connus et, en fait, basions notre économie sur le tourisme, le commerce et la banque. Il s’agissait de réagir face à une crise sans précédent, face à un changement de cycle économique, en essayant de trouver les mécanismes qui nous permettraient d’attirer des talents et des investissements étrangers de qualité, et qui, conjugués aux secteurs traditionnels, mais redéfinis, nous permettraient de construire un nouveau modèle de prospérité économique.
Après onze ans d’expérience, j’ose dire que nous avons réussi en partie. Personne ne doute que, quantitativement parlant, le résultat est positif et aujourd’hui l’investissement étranger représente 18% de notre PIB. Mais qualitativement, je crois sincèrement que nous avons en partie échoué, et il faut se demander pourquoi ?
Avant cela, il faut reconnaître les efforts de ces institutions qui, dès les premiers moments de cette nouvelle phase d’ouverture et jusqu’à aujourd’hui, ont tout fait pour promouvoir l’attraction des talents, des investissements et du tourisme de qualité. Nous ne pouvons pas oublier l’initiative transversale du projet Andorre a un avenir, le travail accompli par la CEA à travers l’action de promotion extérieure et la construction et la promotion de la Marque Andorre, ou le bon travail accompli par la Chambre de Commerce, d’Industrie et de Services et aussi par Andorre Tourisme, Andorre Business, Andorre Digital et Andorre Recherche + Innovation. Cependant, malgré tout, nous n’avons pas réalisé de progrès différentiel en matière de diversification économique. Cela ne signifie pas que nous n’avons pas progressé, mais pas assez en pensant à ces secteurs qui auraient vraiment dû nous positionner différemment de ce que nous observons aujourd’hui.
Peut-être aurions-nous dû avoir une stratégie plus définie dès le départ, avec des objectifs beaucoup plus concrets. En fait, le projet de marque pays visait à valoriser la Marque Andorre pour donner de la visibilité à l’offre de notre nouveau modèle économique et social. Mais il est clair que nous n’avions pas d’expérience pour nous ouvrir au monde et qu’après ces 11 premières années, nous n’avons pas été capables de sélectionner ce que nous voulions et ce qui était positif pour le pays, et nous avons laissé tout ce qui est arrivé, bon et mauvais, bénéfique et nuisible à notre économie et à notre société. Et il est clair que les plus astucieux, tant de l’intérieur que de l’extérieur, se sont positionnés et ont réagi à l’ouverture. En partie, sous forme d’attraction de ceux qui cherchaient la différence fiscale, et pas toujours porteurs de talents socialement exploitables, mais plutôt le contraire, surtout dans les cas les plus frappants (certains influenceurs numériques et dérivés). De plus, le secteur de la promotion immobilière, principalement des logements haut de gamme, paralysé pendant longtemps, a attiré certains investisseurs internationaux, pas tant que ça, et surtout des investisseurs spéculatifs, les mêmes que toujours, ceux qui investissaient depuis des décennies en profitant de l’opacité et qui posent tant de problèmes aujourd’hui à cause de la difficulté de mettre sur le marché ces anciens investissements. Nous ne pouvons pas non plus oublier l’arrivée de professionnels des pays voisins attirés par l’opportunité de conseiller ces nouveaux arrivants et qui, avec ceux qui étaient déjà dans le pays, sont devenus ce que l’on appelle maintenant les « multiplicateurs » de l’économie du pays (ainsi les qualifie Andorre Business) et beaucoup d’entre eux sont les principaux responsables de l’arrivée indiscriminée de personnages chargés d’argent et dépourvus de ce talent différentiel et proactif qui ne peuvent rien apporter à la croissance qualitative de notre société. Ce sont précisément ceux-ci qui ont le plus nui au marché locatif du pays, car leur pouvoir d’achat élevé et le manque d’offre face à l’augmentation de la demande ont provoqué une bulle immobilière locative sans précédent à Andorre.
Avant que la bulle n’éclate d’elle-même, notre pays et ses dirigeants, avec le soutien de la plupart des institutions et des partis politiques, ont décidé de faire éclater volontairement la bulle de manière contrôlée pour anticiper les effets nocifs qui pourraient découler du manque de réaction.
Enfin, une initiative législative a été lancée pour freiner l’investissement étranger spéculatif dans l’immobilier. Cette stratégie a été divisée en deux phases, la première avec un moratoire de 3 mois où les autorisations d’investissement étranger dans l’immobilier sont suspendues pendant qu’un nouveau texte légal est élaboré à cet égard, et la seconde où cette nouvelle réglementation visant à dissuader certains investissements immobiliers spéculatifs étrangers entrerait en vigueur et qui envisage de taxer ces investissements avec un impôt ou une taxe d’au moins 10%, qui serait complétée par un traitement fiscal qui taxerait davantage les transmissions ultérieures effectuées dans un court laps de temps et qui dénoteraient un esprit clairement spéculatif.
Rappelons toutefois qu’en partie à cause de la lutte contre l’inflation et de la hausse consécutive des taux d’intérêt, et en partie aussi à cause des changements législatifs en matière d’immigration, en augmentant la caution pour les résidents indépendants à 50 000€, le marché immobilier s’est détendu et la bulle immobilière a cessé de gonfler. D’une part, il y a moins de demande de biens immobiliers, bien que cela ne se ressente pas encore dans les prix, qui, tant en raison de la situation du marché que de la nouvelle mesure que nous avons mentionnée, baisseront sûrement à mesure que la demande baissera, et d’autre part, les loyers ont baissé car il y a plus d’offre et moins de demande de résidents indépendants. Peut-être pourrions-nous conclure que la mesure arrive un peu tard et que le marché avait déjà montré des signes évidents de ralentissement il y a des mois. À cet égard, j’en suis venu à penser que le moratoire de 3 mois pourrait être inutile, car avec le marché en recul, il ne devrait pas y avoir de peur de l’effet d’appel.
Mais j’ai changé d’avis aujourd’hui même lorsque j’ai appris qu’il y avait eu beaucoup de mouvements depuis que les nouvelles du moratoire ont été annoncées, et qu’en toute hâte, de nombreuses opérations d’investisseurs étrangers se sont conclues précipitamment pour éviter les effets du moratoire mentionné. Incroyable mais vrai !
Deux réflexions finales. La première est qu’il faut être très prudent quant à l’impact sur l’économie du pays du nouvel impôt sur l’investissement étranger dans l’immobilier. Il est nécessaire que le législateur sache bien peser entre ce qui est la lutte contre l’investissement spéculatif qui nuit clairement au marché du logement et les mesures fiscales qui lui sont appliquées, tant sous forme de nouveau prélèvement, dont il faudra voir la déductibilité et la complémentarité avec l’IGI et l’ITP, et la taxation ultérieure des plus-values. Selon la manière dont elle est appliquée, la stratégie sera si dissuasive que l’investissement s’arrêtera complètement et la collecte à ce titre sera anecdotique et n’apportera rien aux projets de construction de logements à un prix abordable auxquels elle était destinée, sans sous-estimer la paralysie du secteur de la construction qu’elle peut provoquer.
La deuxième et dernière réflexion, pour l’instant, est que, comme le prévoit également la réforme législative proposée par le gouvernement, il est nécessaire de redéfinir le traitement accordé à l’investissement étranger dans le pays en général. D’une part, il y a un investissement étranger qualifié dans l’immobilier sous forme de grandes infrastructures aujourd’hui inexistantes dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la recherche, des nouvelles technologies et bien d’autres, qu’il faut rechercher, attirer et promouvoir. D’autre part, au-delà des limitations établies par la nouvelle réglementation, ce dont nous avons besoin, c’est d’une stratégie. Tout nouveau modèle promotionnel visant à attirer un investissement étranger qualifié doit être accompagné d’une nouvelle manière de donner une visibilité internationale à l’offre créée en impliquant tous les acteurs. À cet égard, une mention spéciale pour les « multiplicateurs », qu’il faut investir de la reconnaissance professionnelle appropriée, en luttant contre l’intrusion actuelle, totalement généralisée, et en les dotant des moyens appropriés pour qu’ils puissent vraiment devenir de véritables ambassadeurs du pays, et non comme jusqu’à présent où tout est permis, et bien sûr, c’est ce qui nous est arrivé.
Nous avons une nouvelle opportunité de redéfinir comment nous voulons que l’investissement étranger influence l’économie et la société de l’Andorre du futur. Ne la gaspillons pas !