La transformation numérique a redéfini les fondements de l’économie et des relations juridiques. Le commerce électronique, les services digitaux et les environnements virtuels ont non seulement modifié la manière dont nous achetons des biens et services, mais également la façon dont les parties contractantes s’engagent juridiquement. Dans ce nouveau contexte, les contrats électroniques sont devenus des outils courants, aussi bien pour les opérations commerciales que pour les accords entre consommateurs et prestataires.
En Andorre, où la digitalisation de l’économie est une priorité stratégique, la contractualisation électronique est pleinement intégrée dans l’ordre juridique. Toutefois, plusieurs questions légitimes se posent : les contrats électroniques ont-ils la même valeur que ceux signés par des moyens traditionnels ? Quelles garanties offre la législation andorrane aux parties contractant par voie digitale ? Comment sont régis les contrats électroniques internationaux en Andorre ?
Table des matières
Toggle1. La validité juridique des contrats électroniques en Andorre
Le cadre normatif principal dans ce domaine est établi par la Loi 20/2014, du 16 octobre, relative à la contractualisation électronique et aux opérateurs exerçant leur activité économique dans un espace numérique, toujours en vigueur sans modifications.
L’article 21.3 de cette loi précise que :
« Les contrats conclus par voie de communication électronique produisent tous les effets prévus par l’ordre juridique, à condition que le consentement et les autres exigences légales requises pour leur validité soient réunis. »
Cela signifie qu’en Andorre, un contrat électronique ne peut être discriminé du fait de sa formalisation numérique. L’équivalence entre les contrats électroniques et traditionnels est un principe fondamental qui garantit la sécurité juridique des relations conclues en ligne.
Par ailleurs, le consentement — élément essentiel de tout contrat — doit être exprimé librement et en toute connaissance de cause, sans vice du consentement, conformément à la législation générale en matière d’obligations.
La loi elle-même renforce ce principe en exigeant que le prestataire fournisse une information claire, compréhensible et accessible avant la conclusion du contrat (articles 17 et suivants).
2. Le rôle de la Loi 35/2014 et des services de confiance électronique
En complément, la Loi 35/2014, du 27 novembre, relative à la certification et à la confiance électronique, encadre les services de confiance qui garantissent l’authenticité et l’intégrité des contrats électroniques.
Cette loi établit le cadre juridique de :
- La signature électronique,
- Les cachets électroniques,
- La certification d’authenticité des documents électroniques,
- Les systèmes d’archivage sécurisé.
Elle reconnaît notamment l’équivalence fonctionnelle de la signature électronique qualifiée avec la signature manuscrite, ce qui confère aux contrats électroniques une valeur probante pleine et entière devant les tribunaux andorrans.
Il convient également de mentionner la Loi 9/2021, du 29 avril, qui modifie la loi 35/2014 en renommant cette dernière et en modifiant certains de ses articles (notamment les articles 3, 21, 26 et 27), portant sur les exigences applicables aux services de livraison électronique qualifiés et aux prestataires de services de confiance.
La loi introduit également six nouveaux articles (5 bis, 7 bis, 21 bis, 21 ter, 21 quater et 21 quinquies), qui traitent, entre autres, des effets juridiques de l’identification électronique des personnes physiques et morales et des exigences liées aux certificats électroniques d’attributs vérifiés.
Elle prend désormais le nom de « Loi 35/2014, du 27 novembre, sur la certification et la confiance électroniques ».
3. Conditions et garanties de la contractualisation électronique
Pour qu’un contrat électronique soit valide et opposable en Andorre, certains critères essentiels doivent être respectés afin d’assurer la transparence et la protection des parties :
- Information précontractuelle : Le prestataire doit fournir au consommateur des informations claires sur les conditions contractuelles, le processus de conclusion, les moyens de correction d’erreurs, ainsi que sur l’archivage du contrat (article 17, Loi 20/2014).
- Consentement éclairé : Il doit être exprès, libre et en connaissance de cause, sans que le support électronique ne limite la compréhension des obligations contractuelles.
- Accès, conservation et archivage : Le prestataire est tenu de conserver le contrat dans un format permettant son accès complet pendant la durée légalement requise.
- Identification et authenticité : L’utilisation de signatures électroniques et de services de confiance garantit l’identification des parties et l’intégrité du document.
4. Situation actuelle de la contractualisation électronique en Andorre et tendances mondiales
L’Andorre traverse une phase active de digitalisation, soutenue par des initiatives telles que le Programme de Transformation Digitale d’Andorre (PdTDA), qui favorisent l’adoption de technologies numériques par les entreprises et l’administration publique. De nombreux commerces locaux utilisent désormais des plateformes de signature électronique certifiées (telles que AndorraID ou des systèmes validés par ActuaTech), faisant de la signature numérique une pratique courante.
Par ailleurs, un accord stratégique a été signé récemment entre l’Andorre et Amazon Web Services (AWS), destiné à accélérer la transformation numérique du pays. Il permettra aux entreprises, en particulier les PME, d’accéder à des outils AWS pour renforcer leur présence numérique, développer l’e-commerce, mettre en œuvre des solutions d’IA et renforcer la cybersécurité.
Il s'agit du « plan d'action de transformation numérique » de la Principauté et il s'agit d'un programme lancé en 2020 et revu tous les trois ans pour garantir l'atteinte des objectifs fixés par la stratégie numérique 2030.
Accompagnement spécifique au développement du e-commerce, à la mise en place de solutions d’intelligence artificielle et au renforcement de la cybersécurité.
À l’échelle mondiale, la contractualisation électronique connaît une croissance exponentielle, portée par l’e-commerce, le télétravail et l’émergence des smart contracts basés sur la blockchain. Des institutions telles que l’OCDE ou la CNUDCI soulignent les défis posés par ces nouveaux instruments, notamment en matière d’autoexécution et d’absence d’intermédiaires humains.
5. Contrats électroniques et Droit international privé
La dimension transfrontalière des contrats électroniques est particulièrement importante dans un monde numérique sans frontières. L’article 33 de la Loi 20/2014 stipule que :
« La contractualisation électronique transfrontalière réalisée par un prestataire établi en Andorre est régie par la législation andorrane, sans préjudice des dispositions relatives à la loi applicable aux contrats, ainsi que des normes internationales applicables.«
Ainsi, les contrats électroniques conclus par des opérateurs andorrans sont en principe soumis au droit andorran, sous réserve :
- Des règles de droit international privé andorran (par exemple, pour les contrats avec des consommateurs étrangers ou entreprises multinationales),
- Des conventions internationales ratifiées par l’Andorre.
L’ordre juridique andorran offre donc un cadre clair et sécurisant pour la contractualisation électronique internationale, en tenant compte des normes internationales et des principes de protection du consommateur.
6. Perspective internationale
Une comparaison avec la réglementation de l’Union européenne et des pays voisins du Principat est également pertinente Union européenne : Le Règlement (UE) n° 910/2014 (eIDAS) facilite l’interopérabilité et la reconnaissance des signatures électroniques et des services de confiance. Il reconnaît la validité des signatures électroniques et fixe les conditions pour les signatures avancées et qualifiées, ces dernières ayant la même valeur juridique qu’une signature manuscrite.
Mentionnons aussi la Directive 2000/31/CE relative au commerce électronique, qui encadre la fourniture de services en ligne et la responsabilité des prestataires.
Sur la base de ce règlement européen, nous prenons en compte les spécificités législatives des pays suivants :
- Espagne : La Loi 34/2002, sur les services de la société de l’information et le commerce électronique, confirme la validité juridique des contrats électroniques. La Loi 6/2020 encadre également les services de confiance électronique. L’article 1255 du Code civil espagnol (principe d’autonomie de la volonté) a été interprété en faveur de la reconnaissance des contrats électroniques.
- France : Les articles 1366 et suivants du Code civil prévoient que les actes juridiques sous forme électronique ont la même valeur probatoire que les actes papier, à condition que l’intégrité et l’auteur puissent être vérifiés.
- Portugal : Le Ministère de l’économie et de la transition numérique a publié en avril 2020 un Plan d’action pour la transition numérique, favorisant la digitalisation des entreprises, notamment à travers l’adoption de la signature électronique. Seule la signature électronique qualifiée est juridiquement équivalente à la signature manuscrite
7. Projection future : vers des contrats électroniques plus intelligents et personnalisés
La contractualisation électronique continuera d’évoluer au rythme des innovations. Les smart contracts, basés sur la blockchain, posent déjà de nouveaux défis au droit actuel : autoexécution, programmation des clauses et absence d’intermédiaires humains.
Le cadre juridique andorran devra-t-il s’adapter pour intégrer non seulement les contrats électroniques classiques, mais aussi ces nouvelles formes contractuelles ? Faudra-t-il personnaliser davantage les contrats numériques selon le profil des utilisateurs pour garantir un véritable consentement éclairé ?
En tout état de cause, il ne fait aucun doute que les contrats électroniques ont une pleine validité légale en Andorre. L’essentiel reste le respect des conditions générales de tout contrat : consentement valide, objet licite et cause légitime. Le support électronique n’est plus un obstacle, mais un canal sûr et juridiquement reconnu.
En outre, la réglementation andorrane prévoit l’application du droit local aux contrats internationaux, tout en respectant les normes du droit international privé et les engagements issus des traités. Cela garantit une sécurité juridique solide tant pour les opérateurs andorrans que pour leurs partenaires étrangers, dans un environnement numérique en constante évolution.